Conseil en management
Sauter le pas vers la consultation
2. Les étapes émotionnelles
Publié le : 11 February 2022 | Dernière modification le : 28 April 2022
Certains consultants démarrent leur vie professionnelle en solo, mais une grande partie de ces professionnels indépendants ont d’abord travaillé au sein d’organisations, que ce soient des entreprises privées, des OSBL, ou même des administrations publiques. Il leur a donc fallu quitter le confort de l’entreprise pour tenter l’incertitude de la consultation. Pourquoi ? Divers facteurs peuvent l'expliquer, seuls ou en combinaison ; par exemple, un désir d'autonomie, un besoin de changement, un moment propice dans sa carrière, une évidence dans son évolution professionnelle, ou un manque dans l'organisation dans laquelle on se trouve.
Les raisons peuvent ainsi être bien différentes et, une fois la décision prise, les étapes sont-elles identiques ou varient-elles également beaucoup ? Nous avons demandé à quelques consultants de nous raconter leur parcours et les étapes clefs ou marquantes de leur transition. On évoque ici les émotions successives ressenties par les consultants au cours de leur "transformation".
Dépasser les doutes
Les raisons de la transition peuvent être variables et le passage concret d'un état à l'autre plus ou moins spontané, mais la première étape est la plus bouillonnante. C'est inévitable. On y retrouve un travail d'introspection plus ou moins large, des interrogations et peurs qui vont et viennent, et un besoin d'avancer malgré tout.
Tout d'abord, il est intéressant de constater que le processus poussé de réflexion peut commencer après le déclic, mais aussi avant, voire bien avant. Les conditions entourant le passage au statut de consultant peuvent expliquer l'ordre des premiers pas. Éric Lessard, Adm.A., C.M.C., président de MRK Management, a lui expérimenté une longue période de gestation durant laquelle se sont succédé introspection, incertitude, tergiversation, conviction de pouvoir réussir, découragement de ne jamais aboutir et lassitude d’en parler à ses proches qui seront affectés mais qui ne peuvent décider pour nous. De la même manière, Sophie Lemieux, Adm.A., C.M.C., présidente de Gestion Solem, a pu trouver difficile la période précédent le déclic : le plus difficile fut de prendre la décision de devenir travailleur autonome, car ça faisait 13 ans que j’évoluais dans la même entreprise. Mais, une fois la décision prise et annoncée, ce ne fut que du positif. Éric Lessard a même trouvé dans ce moment précis de la prise de décision un soulagement, une libération de l’esprit et l’amorce de plus de confiance en soi.
L'alternance entre doute et foi semble être la deuxième constante. Éric Lessard explique qu'il balançait entre la conviction que l’on peut réussir, bien que tout reste à faire et que l’on ignore tout ce que cela représente, l’humilité et le vertige devant les défis à venir, et nos faiblesses qui émergeront rapidement devant l’urgence d’agir. De la même façon, Isabelle Foisy, Adm.A., présidente et fondatrice de Point Cardinal, a alterné entre doute et excitation. Plus frontalement, Natasha McDonald, Adm.A., candidate C.M.C., présidente de Gestion N. McDonald, s'est même demandé : qui suis-je pour oser conseiller un dirigeant ou un autre gestionnaire ?
Très pragmatique, Sophie Lemieux a, en quelque sorte, fait de sa propre situation son premier mandat et s'est donné des objectifs clairs avec des délais : je m'étais donné une année complète avant de remettre en question mon choix (je ne l’ai jamais remis en question finalement), alors je n’ai vécu aucun découragement. J’ai réaligné mes stratégies plus d’une fois, mais c’était toujours un signe d’apprentissage. J’ai adoré cette période d’incertitude qui m’a permis d’être plus créative et d’apprendre sur moi-même. Je suis une fille très positive et proactive, alors j’ai toujours vécu des émotions positives. Je pense que les émotions qu’on vit dans cette situation sont intimement liées à notre personnalité et nos attentes. Il faut être capable de vivre dans l’incertitude, l’ambiguïté et ne pas avoir peur de se remettre en question.
Lorsque la décision de devenir consultant est un peu plus précipitée par les événements, les questions existentielles sont étouffées, faute de temps. On doit tout de suite se concentrer sur les aspects concrets du projet et enclencher la machine. Jean-François Thuot, Adm.A., consultant en stratégie, a ainsi, la tête froide, réalisé une planification brève de la transition, nécessité faisant loi. Pour d'autres ayant déjà l'expérience de la pratique privée, les interrogations liées au statut même de travailleur autonome ont été réglées il y a longtemps. En revanche, des questions plus subtiles peuvent se poser, notamment lorsque le domaine d'intervention est différent de celui qui a précédé. Pour moi, ça a été un retour aux sources. Je suis travailleur autonome dans l’âme. J’ai été consultante dans une autre profession en début de carrière avant d’avoir des fonctions de gestion et de gouvernance, raconte Marie-Pierre Caouette, Adm.A., coach certifiée PCC, tout en précisant que l'aspect plus insécurisant était de quitter un emploi très bien rémunéré pour démarrer mon entreprise dans un nouveau rôle pour lequel mon ancien réseau ne me connaissait pas et de faire le choix de réduire mon train de vie durant cette transition, et même après.
Résistance et confiance
Nous y voilà. L'aspect financier est évidemment l'alpha et l'oméga de ce processus. Un véritable filtre même. Il faut avoir les reins solides et une motivation plus forte que tout doute pour réussir à passer par-dessus la question centrale du revenu. Mes ressources financières disponibles me permettent-elles d’attendre quelques mois, voire un an, avant de commencer à gagner suffisamment pour payer mes comptes ? Vais-je réussir à bien gagner ma vie avec ce métier ? s'est ainsi questionnée Natasha McDonald. L’insécurité, surtout financière, est une émotion constante au début, mais dont l’amplitude varie, précise également Jean-François Thuot. Le stress financier a certainement fait partie des premières étapes indique Marie-Pierre-Caouette. Le salaire n’est plus, les dépenses continuent. On élague, on devient économe et plus conscient de la valeur de l’argent. Un nouveau mode de vie s’installe. Devenir autonome, subvenir à ses besoins ! résume Éric Lessard. Effectivemement. Bon mois, mauvais mois, la différence ne se rend pas aussitôt dans le compte bancaire quand on est salarié. Le consultant, lui, encaisse tout de suite les coups du sort.
Le stress financier est aussi l'un des points relevés par Isabelle Foisy, tout comme la question centrale de la clientèle, l'une ayant une influence plus que majeure sur l'autre. Natasha McDonald s'est donc vite penchée sur comment elle allait recruter ses clients ou se faire connaître, et comment bien définir son offre de service et s’annoncer. De son côté, Marie-Pierre Caouette a connu des moments de fatigue en lien avec la peur de dire non. Certains moments de découragement quand il faut prendre des décisions (ex : mettre fin à certains services, changer les outils de promotion, ajouter des nouveaux services). Par ailleurs, un réseau professionnel solide peut former une bonne assise, mais c'est loin d'être automatique. Il faut comprendre que notre ancien réseau n’est pas nécessairement celui qui nous aidera une fois à notre compte. Dans mon cas, il a fallu que je bâtisse un tout nouveau réseau et que je donne la chance aux gens de me connaître. Mon offre de services est basée sur mes compétences, alors il fallait que les futurs collaborateurs puissent s’imaginer travailler avec moi. Il faut donner pour espérer recevoir par la suite, et ça ne provient pas toujours de la part des personnes à qui on a donné, explique Sophie Lemieux. Nous verrons plus tard comment on peut se créer un nouveau réseau.
Une fois que la résistance au stress financier est établie, le terrain de jeu de la consultation offre de belles occasions de satisfaction professionnelle. Tout stress est rapidement concurrencé par le sentiment satisfaisant de faire quelque chose pour soi, de construire un nouveau projet, de développer de nouvelles habiletés, relate Jean-François Thuot. Je dirais maintenant que c’est la sérénité qui m’habite, ainsi que l’impression d’être sur mon « x » et d’avoir du plaisir à travailler, explique Marie-Pierre Caouette. Pour Natasha McDonad, une fois l'insécurité (particulièrement financière) et la crainte de ne pas être à la hauteur (syndrome de l’imposteur) dépassées, viennent fébrilité, excitation, attente du premier mandat !
Doute, peurs, confiance à bâtir, insécurité financière à dépasser, excitation de démarrer "son grand projet" sont des étapes émotionnelles importantes par lesquelles peuvent passer les aspirants et nouveaux consultants. Elles sont associées à des phases de développement à ne pas laisser de côté afin de bien démarrer et de s'assurer que tous les angles sont couverts. Ce sera l'objet du prochain épisode.
La liste éclair d'Isabelle Foisy, Adm.A., présidente fondatrice de Point Cardinal 1- Le doute Et on recommence les différentes étapes en ayant plus d’expérience avec chaque phase de croissance ! |