Éthique
D’Enron à 2018
Évolution de l’éthique et de la gouvernance au cours des 20 dernières années
Publié le : 17 décembre 2018 | Dernière modification le : 17 novembre 2023
Première vague : Enron et autres scandales
L’éthique et la gouvernance ont beaucoup évolué au cours des 20 dernières années, dans le monde, mais également au Québec. Cette évolution s’est faite en différentes vagues - la première étant au tournant des années 2000, notamment avec les scandales Enron, Worldcom et Arthur Andersen. Ce fut un tournant majeur pour l’éthique et la gouvernance. Cette première grande crise a fait ressortir l’importance de la mise en place de saines pratiques de gouvernance et d’éthique pour regagner la confiance de l’ensemble des parties prenantes (actionnaires, gouvernements, employés, fournisseurs, citoyens, etc.) et répondre aux besoins de transparence, de reddition de comptes et de responsabilisation des entreprises.
À la suite de cette première vague, de nombreuses réformes et plusieurs mesures législatives (loi Sarbanes-Oxley, Loi C-198, Loi sur la gouvernance des sociétés d’État au Québec, etc.) ont été mises en place. Une nouvelle gouvernance était née. Une nouvelle gouvernance où le conseil d’administration a pris sa véritable place et où il doit jouer adéquatement son rôle de surveillance effective de la gestion et de pilotage stratégique de l’organisation. Une nouvelle gouvernance marquée aussi, entre autres, par la présence d’une majorité d’administrateurs indépendants (externes), par une répartition claire des responsabilités entre le conseil d’administration et la direction, par l’importance d’une gestion intégrée des risques (GIR) et la mise en place de mécanismes de contrôle ainsi que par le rôle essentiel de leaders éthiques que doivent jouer tous les administrateurs et dirigeants de l’organisation.
Deuxième vague : corruption, collusion et Commission Charbonneau
Une deuxième vague de l’éthique et de la gouvernance a frappé, mais cette fois-ci au Québec, à la fin de la première décennie des années 2000. En effet, en 2008 et 2009, des scandales dits éthiques éclatent partout au Québec. Des allégations de corruption, de collusion, de manquements éthiques frappent entre autres le monde municipal québécois, des entreprises de constructions et des firmes de génie faisant affaire avec diverses villes du Québec. Le gouvernement du Québec adopte plusieurs mesures importantes, dont l’adoption de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (obligation d’adopter un code d’éthique et de déontologie pour les élus municipaux ainsi que pour les employés), et met sur pied la Commission d’enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction – plus communément appelée Commission Charbonneau. Pour mesurer l’ampleur du défi à affronter en matière d’éthique au Québec à la fin de la première décennie des années 2000, il faut relire le sondage sur l’éthique du Journal Les Affaires du 20 novembre 2010 réalisé auprès de 204 administrateurs de sociétés qui concluait entre autres que : « Plus de 90% des membres du Collège des administrateurs du Québec constatent des manquements à l'éthique chez les personnes qui gravitent autour de l'organisation qu'ils représentent. En fait, seulement 9% estiment que leurs partenaires d'affaires (fournisseurs, employés, clients) ont un comportement irréprochable ».
Cette deuxième vague de l’éthique et de la gouvernance a changé beaucoup de choses au Québec. Les organisations ne pouvaient plus se mettre la tête dans le sable. La plupart d’entre elles ont revu leur façon de faire et implanté une nouvelle structure de l’éthique et de gouvernance (comité d’éthique et de gouvernance, code d’éthique, politique de conflits d’intérêts, ligne de dénonciation, etc.) adaptée à leur contexte et moyen financier.
Troisième vague : mise sous tutelle de l'OIQ
Une troisième vague a frappé, encore une fois au Québec, en 2015 et 2016 ; cette fois-ci le système professionnel québécois. Il y a eu notamment la crise de gouvernance au Barreau ou la péripétie médiatique de la gouvernance du Barreau, comme certains l’ont appelé, mais surtout la mise sous tutelle de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). Cette mise sous tutelle a véritablement secoué le système professionnel. C’était une première : le gouvernement du Québec mettait sous tutelle un ordre professionnel parce que sa capacité à assumer sa mission première de protection du public était remise en cause. La gouvernance de l’OIQ était donc visée : les administrateurs d’un ordre doivent avant toute chose veiller à la poursuite de la mission de l’ordre, c’est-à-dire assurer la protection du public. Cette mise sous tutelle se justifie aussi par l’effet de ressac de la deuxième vague (2008-2009) de l’éthique et de la gouvernance (implication des firmes de génie et d’ingénieurs dans les scandales dits éthiques et la Commission Charbonneau) et la crise de confiance des citoyens envers le système professionnel québécois. Cette crise de confiance est venue semer un doute raisonnable chez les citoyens sur la mission des ordres professionnels : est-ce que les ordres travaillent pour la protection du public ou pour la défense des intérêts de leurs membres ?
Révision de la gouvernance des ordres professionnels
La révision de la gouvernance des ordres professionnels de juin 2017 (réforme du Code des professions et adoption et sanction de la Loi concernant l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel) est une réponse concrète du gouvernement québécois à cette crise de confiance et la troisième vague. La nouvelle gouvernance des ordres professionnels, alignée avec les meilleures pratiques de gouvernance développées depuis la première vague du tournant des années 2000, met à l’avant-scène, entre autres :
- Le recentrage des responsabilités du conseil d’administration vers la surveillance et le pilotage stratégique.
- La réduction de la taille des conseils d’administration : l’imposition d’un nombre minimal (8) et d’un nombre maximal d’administrateurs (15) + le président.
- L’obligation d’avoir un administrateur de moins de 35 ans.
- L’augmentation du % d’administrateurs indépendants (provenant du public et nommés par l’Office des professions) : minimum 25%.
- La clarification du rôle du président de l’ordre : le président exerce un droit de surveillance sur les affaires du conseil, mais est confirmé comme le porte-parole de l’organisation et le nombre de mandats maximums pour le président est limité à trois mandats.
- La clarification du rôle du comité exécutif : le comité ne s’occupe plus de l’administration courante des affaires de l’ordre.
- La description des responsabilités du directeur général : chargé de l’administration générale et courante des affaires de l’ordre.
- L’obligation pour les administrateurs de se soumettre à une formation sur le rôle du conseil, notamment en matière de gouvernance et d’éthique.
- L’obligation d’établir pour les conseils d’administration, dans le respect des normes déterminées par l’Office des professions, un code d’éthique et de déontologie pour administrateurs.
Gouvernance et éthique : piliers de la confiance
Nous constatons donc que la gouvernance et l’éthique ont beaucoup évolué, et pour le mieux des organisations, au cours des vingt dernières années. L’emphase a été mise essentiellement sur les infrastructures de gouvernance et d’éthique (rôles et responsabilités des conseils d’administration, composition du conseil, comités, politiques, codes d’éthique, mécanismes de contrôle, conformité, etc.). ll reste encore beaucoup de travail à faire au sein des organisations, notamment au niveau de l’implantation d’une culture de gouvernance et d’éthique (intégration des bonnes pratiques, développement des compétences et des réflexes éthiques, etc.). Une chose est sûre, la gouvernance et l’éthique sont devenues, au cours des dernières années, les piliers fondamentaux de la confiance et du succès de nos organisations.
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