Administration publique : les leçons de la pandémie | Ordre des administrateurs agréés du Québec

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Administration publique : les leçons de la pandémie

Ordre des Adm.A.

Publié le : 15 November 2022 | Dernière modification le : 17 November 2022

L’administration publique n’a pas échappé au choc causé par la crise sanitaire. Les nombreux bouleversements qu’elle a causés ont toutefois eu des bons côtés et généré une importante réflexion du côté des gestionnaires. Voici les leçons qu’ils ont pu tirer de la pandémie.

En mars 2020, le Québec comme le reste du monde a été mis sur pause. L’administration publique devait toutefois continuer à dispenser des services à la population. Grâce à la technologie, le virage a été négocié rapidement même si cela n’a pas toujours été sans heurts. « Cela a nécessité une grande adaptation, mais cela a aussi contribué à améliorer les processus et l’efficacité. À la SAAQ par exemple, on peut désormais prendre des rendez-vous en ligne au lieu de se rendre directement sur place et d’attendre », explique Sophie Séguin-Lamarche, Adm. A., gestionnaire stratège, spécialisée en communication politique et communication de crise. En revanche, la débâcle au Bureau des passeports montre bien à quel point les résultats ont été inégaux.

Mais globalement, la pandémie aura surtout permis de s'interroger sur certaines pratiques, de s’améliorer et mettre de l’avant le bien-être des employés.

Changement et accélération technologique

Me François Martin, Adm. A., directeur général de la révision des programmes et de l’amélioration continue au Sous-secrétariat à la performance et à l’application de la Loi sur l’administration publique du Secrétariat du Conseil du trésor, souligne qu’avec la crise sanitaire, des changements majeurs au mode de fonctionnement ont dû être apportés, et ce en très peu de temps. « Du jour au lendemain, il a fallu fermer les bureaux et offrir des prestations à distance. Nous avons déployé les outils technologiques nécessaires pour continuer à mener à bien notre mission et appliquons maintenant une politique-cadre en matière de télétravail », dit-t-il.

Cela a nécessité de la part de tous une grande adaptabilité, mais le jeu en valait la chandelle puisqu’en plus de gains en matière de performance, la population peut désormais bénéficier de nouveaux services en ligne. « Nous avons fait des pas de géant en termes d’agilité et cela a créé des opportunités », assure Me Martin.

Un avis que partage Marie-Claude Leblanc, Adm. A., directrice de l’arrondissement d’Outremont à la ville de Montréal. « Nous avons dû nous montrer très réactifs. Par exemple, nous avons mis sur pied une cellule communautaire pour amener tous les partenaires autour de la table. En tissant des liens avec eux, cela a fait en sorte que nous soyons tous sur la même longueur d’onde », dit-elle. Au bout du compte, elle considère qu’il a été possible de repenser les services et de se dépasser.

Pour sa part, Alexandre Parizeau, Adm. A., directeur général de la Ville de Longueuil, estime que la pandémie a complètement changé la perception du télétravail. « Auparavant, travailler à distance n’était pas nécessairement bien vu. Aujourd’hui la tendance s’est inversée, ce qui soulève toutefois des enjeux au niveau du droit à la déconnexion », souligne-t-il, ajoutant que la crise sanitaire a constitué un puissant moteur d’accélération technologique.

Gestion du travail hybride

Avec un relatif retour à la normale, se pose aujourd’hui la gestion de la mobilisation des équipes en mode de travail hybride. Alexandre Parizeau note d’ailleurs que, certains employés pouvant travailler à distance et d’autres pas, en raison de la nature même de leurs tâches, a fait naître un sentiment d’iniquité, un enjeu auquel il faudra rester attentif.

Sophie Séguin-Lamarche remarque que le fait que tous les travailleurs de la fonction publique soient syndiqués ajoute un certain niveau de complexité. « Il est nécessaire de s’asseoir avec les syndicats et définir de nouvelles façons de fonctionner. On doit se montrer à l’écoute des demandes tout en gardant en tête qu’il faut trouver un équilibre entre ce que les travailleurs souhaitent et la capacité de l’organisation à s’adapter », indique-t-elle.

Dans l’arrondissement d’Outremont, des conventions d’équipe ont été mises en place et une réflexion a été entamée sur les différents types de postes, départageant ceux pouvant faire l’objet de travail à distance ou au contraire devant continuer en présentiel. « Pour y parvenir, nous sommes revenus à l’essentiel des exigences de chaque poste, le tout dans la perspective de maintenir un maximum d’efficacité », dit Marie-Claude Leblanc.

Il n’en reste pas moins que mobiliser une équipe hybride est devenu un enjeu majeur pour le gestionnaire. « Il faut favoriser la collaboration, maintenir le sentiment d’appartenance et donner du sens au fait de venir travailler au bureau », observe Me François Martin. À son avis, le travail d’équipe, les mandats stimulants et la reconnaissance font assurément partie de la solution.

« En revoyant notre éthique de travail, en prenant conscience de l’importance de l’équilibre travail-famille et en se donnant du temps pour soi, je crois que l’on peut réussir à remobiliser les employés », recommande Alexandre Parizeau, qui préconise aussi d’opter pour le présentiel lors des rencontres d’équipe.

Tendances et perspectives

Après tous ces bouleversements, de quelle façon les gestionnaires de l’administration publique entrevoient-ils l’avenir ? Parmi les grands changements qu’elle perçoit sur le terrain, Sophie Séguin-Lamarche note une véritable démocratisation. « Les employés veulent être partie prenante des décisions sur les modes de travail. L’avantage est que cette participation génère chez eux une grande mobilisation et de la fierté », mentionne-t-elle.

Alexandre Parizeau abonde dans le même sens : « Les gestionnaires doivent anticiper une résistance au changement, car les gens en sont saturés. Mais en favorisant un processus de gestion participative, les individus se sentent consultés au lieu d’avoir l’impression que des choix leur sont imposés », indique-t-il.

« C’est le moment de développer un nouveau leadership fondé sur la bienveillance, qui soit à la fois plus humain et équilibré », fait valoir Marie-Claude Leblanc qui ajoute que la pénurie de main-d’œuvre et la nécessité de se montrer attractif en particulier vis-à-vis des jeunes générations militent en faveur de cette approche.

« Aujourd’hui, on ne travaille plus 25 ou 30 ans pour le même employeur, les jeunes sont prêts à partir si on leur offre mieux ailleurs. Les gestionnaires doivent s’adapter et répondre aux attentes des milléniaux », confirme Alexandre Parizeau.

À cet égard, valoriser l’expérience-employé et les aider à se développer sont deux pistes de réflexion à explorer, soutient Me François Martin. « Parallèlement, les attentes des citoyens par rapport à leur administration publique vont en grandissant. On doit donc faire preuve d’agilité tout en continuant de miser sur une culture de la performance soutenue par les technologies », conclut-il. Assurément de beaux défis qui susciteront beaucoup de réflexion sur le terrain.

 Propos recueillis et article rédigé par Emmanuelle Gril, journaliste.

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