Gestion
L’intégration professionnelle des gestionnaires immigrants
Une priorité pour l’Ordre des Adm.A.
Publié le : 23 February 2018
L’Ordre des administrateurs agréés du Québec est préoccupé par l’intégration en emploi des gestionnaires issus de l’immigration. Un processus qui peut souvent être long et laborieux, et auquel l’ordre professionnel a décidé de s’attaquer activement.
Dans un contexte où le recrutement et la rétention de main-d’œuvre deviennent des enjeux majeurs pour l’économie québécoise, l’immigration est souvent mentionnée comme piste de solution. Car à l’instar de plusieurs autres pays développés, le Canada n‘échappe pas au vieillissement de sa population et en subit les conséquences. Sur le marché du travail, la courbe démographique crée une problématique en termes de disponibilité de ressources humaines. Celles-ci tendent à se raréfier au fur et à mesure que les travailleurs actuels prennent leur retraite, et ce, sans que les employeurs puissent nécessairement les remplacer, par manque de candidats.
Les immigrants gestionnaires: un atout pour les entreprises
Où trouver la main-d’œuvre nécessaire pour répondre aux besoins du marché du travail québécois ? Les immigrants, notamment les travailleurs qualifiés, constituent un bassin particulièrement intéressant à cet égard. Or, force est de constater que les statistiques ne sont pas encourageantes. Ainsi, sur 53 000 nouveaux arrivants admis au Québec en 2016, 20 000 sont repartis (8 000 dans un pays tiers et 12 000 vers une autre province du Canada). Cela représente plus de 37% de départs. Le fait de ne pas avoir trouvé un emploi est la raison souvent invoquée pour expliquer ces départs, car bien que l’intégration sociale soit essentielle, c’est bel et bien le travail qui constitue l’ancrage dans la société d’accueil.
Dans cette perspective, l’Ordre des administrateurs agréés estime qu’il a une importante mission à remplir. «La main-d’œuvre est un enjeu majeur pour nos membres qui sont dirigeants dans les organisations et nous devons faciliter l’intégration des nouveaux arrivants afin qu’ils restent au Québec et qu’ils puissent y jouer un rôle actif», souligne Jacques Cusson, Adm.A., F.C.M.C, le président de l’Ordre. «Notre contribution consistera à démontrer que l’immigrant administrateur détient toutes les connaissances et compétences nécessaires pour décrocher un emploi ici», poursuit-il.
Monsieur Cusson précise que plusieurs études ont déjà démontré l’atout que peuvent constituer les immigrants pour un employeur, et plus largement, pour la société dans son ensemble. «Un rapport[1] recense différentes statistiques à ce sujet et démontre notamment que la diversité a un impact très positif sur le rendement des entreprises, en multipliant les connaissances culturelles, les modes de résolution de problèmes et l’accès aux marchés internationaux», mentionne-t-il.
Dans ce rapport, on apprend aussi que les immigrants sont en moyenne très scolarisés et plus enclins à se spécialiser en génie ou en sciences, ce qui favorise l’innovation et donne un coup de pouce aux secteurs à forte croissance.
Néanmoins, ce potentiel semble encore loin d’être exploité. Ainsi, selon une enquête publiée en 2016 par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain[2], un employeur sondé sur six prévoit embaucher des cadres au cours des trois prochaines années, principalement dans les entreprises de 50 employés et plus. Or, même si les immigrants sont bien positionnés pour pourvoir ces postes puisqu’ils représentent 38 % des employés que les organisations estiment qualifiés pour occuper un emploi de cadre, à l’heure actuelle, ils ne constituent encore que 14% des cadres. Il y a donc beaucoup de chemin à parcourir, un parcours sur lequel l’Ordre souhaite aplanir les obstacles.
La recette du succès
Jacques Cusson souligne que dans leur cheminement pour décrocher un emploi au Québec, de nombreux gestionnaires immigrants viennent frapper à la porte de l’Ordre. «Nous sommes sollicités par des gestionnaires qui souhaitent faire reconnaître leurs acquis et être reconnus en tant que professionnels», dit-il. Mais ce n’est pas tout : afin d’aider les employeurs, en particulier les PME, à mieux intégrer les gestionnaires issus de l’immigration, l’Ordre travaille actuellement à développer un référentiel de compétences du gestionnaire en contexte québécois* qui constituera une véritable cartographie des principales compétences à détenir dans ce domaine. Cet outil aidera aussi les nouveaux arrivants à mieux comprendre les façons de faire et la culture au sein des entreprises québécoises.
«Prenons l’exemple d’un gestionnaire venu d’un pays où la hiérarchie a une importance prépondérante et où il est mal vu de questionner les décisions de son supérieur. Cette personne aura sans doute tendance à reproduire les mêmes comportements dans un milieu de travail québécois, ce qui risque pourtant de lui être préjudiciable. Ici, en effet, on s’attend au contraire à ce que les employés qui ne comprennent pas les directives qu’on leur a données posent des questions», illustre monsieur Cusson. Il faut que l’on connaisse nos différences si on veut miser sur les forces de chacun.
Le référentiel a été développé selon une approche de terrain plutôt que de façon académique, grâce au concours de plusieurs professionnels d’expérience. «Des notions très concrètes sont abordées, par exemple les compétences nécessaires dans le domaine de la gestion des opérations, de la gestion en finances, comment mettre sur pied et maintenir des alliances de partenariat, de quelle façon développer une vision et une stratégie, etc.», explique le président de l'Ordre. Ultimement, en plus des différentes informations, des capsules vidéo illustrant notamment les gestes clés seront aussi mises en ligne. Il y aura également des articles thématiques, les meilleures pratiques et des innovations en matière de gestion.
«Les employeurs notamment dans les PME, y verront une utilité, car cet outil va leur permettre de mieux comprendre et d’analyser certains symptômes chez leurs employés, et ainsi avoir un discours plus constructif avec leurs gestionnaires immigrants. Inversement, les immigrants pourront mieux se préparer à intégrer le marché du travail québécois et accroître leurs chances de succès», espère monsieur Cusson.
Un article d'Emmanuelle Gril, journaliste
* Le développement de cet outil a été rendu possible grâce à une subvention du Conseil Emploi Métropole.
[1] Les fruits de la diversité. L’avantage mondial du Canada. Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale et la Fondation Pierre Elliott Trudeau, 2017
[2] Les immigrants en bonne position pour accéder à des postes stratégiques. Chambre de commerciale du Montréal métropolitain, mai 2016.