Gouvernance
L’administrateur et sa diligence raisonnable en matière fiscale
Publié le : 31 janvier 2023
La fonction d’administrateur apporte son lot de responsabilités et nombre d’entre elles sont à saveur fiscale. Cet article fait un bref survol de certaines responsabilités qui attendent les administrateurs de droit et les administrateurs de fait, qu’ils aient des fonctions dans des sociétés sans but lucratif ou à but lucratif.
De nombreuses dispositions fiscales entrainent leur responsabilité, notamment via la multitude de lois qui encadre les devoirs que les administrateurs ont : devoir d’agir avec prudence et diligence, devoir d’agir personnellement et devoir d’agir avec loyauté, honnêteté, et ce, dans le meilleur intérêt de la société.
L’administrateur se doit de s’informer sur les activités de la société, assister de façon régulière aux réunions du conseil d’administration (ci-après le «C.A.») et il doit contrôler et surveiller les personnes exerçant les pouvoirs que leur délègue le C.A. Il peut arriver qu’un administrateur s’absente d’une réunion pour divers motifs, mais si, lors de cette réunion, le C.A. prend une mesure et/ou adopte une résolution, il y aura présomption que l’administrateur qui s’est absenté y a consenti. S’il veut réduire sa responsabilité personnelle quant auxdites mesures / résolutions, l’administrateur devra, au plus tard sept jours après avoir pris connaissance de celles-ci, faire connaître sa dissidence.
Responsabilités fiscales
En matière fiscale, il est important de savoir que l’administrateur a d’importantes responsabilités. Celui-ci a une responsabilité solidaire avec la société quand elle omet, selon le cas, de déduire, retenir et/ou percevoir les retenues d’impôt à la source (plus communément appelé les « DAS ») et/ou de verser les cotisations d’employeur et/ou, ultimement, omet de remettre ce qui est dû aux gouvernements. De plus, tout intérêt ou pénalité afférent à ces manquements font également partie de ladite responsabilité solidaire des administrateurs.
Soyez cependant rassuré ; les autorités fiscales ne cibleront pas les administrateurs en premier. Elles devront d’abord faire des efforts afin de percevoir les sommes directement auprès de la société. Lorsque cela n’est pas possible et que les autorités rencontrent l’une des conditions prévues par la loi pour démontrer son incapacité à percevoir les sommes dues, elles pourront émettre une cotisation aux administrateurs dans les délais prescrits. De façon sommaire, ces délais sont de deux ans à partir de la fin des fonctions de l’administrateur ou bien à la dissolution de la société. Si vous démissionnez de votre poste d’administrateur, assurez-vous de le faire de manière écrite, que le changement soit rapidement effectif au Registraire des entreprises du Québec et, idéalement, que la lettre de démission soit consignée au livre des minutes de la société.
Il y a également une responsabilité des administrateurs quant aux infractions commises par la société en ce qui trait à la Loi de l’impôt sur le revenu si ces personnes y ont participé, consenti, et/ou ont ordonné et/ou autorisé lesdites infractions.
Sans entrer dans le détail des responsabilités au niveau des taxes, il est important de savoir que la Loi sur la taxe de vente du Québec et la Loi sur la taxe d’accise soulignent qu’un administrateur pourrait devoir personnellement faire le paiement des taxes nettes qui n’ont pas été versées ainsi que tout intérêt ou pénalité qui s’y affère.
Démission de tous les administrateurs
Quoiqu’il s’agisse d’un événement rarissime, il arrive que l’ensemble des administrateurs légalement élus démissionnent de leurs fonctions quasiment en même temps ou bien à intervalles rapprochés et qu’ils ne soient pas immédiatement remplacés. La Loi canadienne sur les sociétés par actions prévoit que « quiconque gère les activités commerciales et les affaires internes de la société ou en surveille la gestion est réputé être un administrateur pour l’application de la présente loi ». Ainsi, une attention particulière doit être portée à ce point, car des conséquences fiscales pourraient survenir.
Suggestions d’actions et de mesures à prendre
Dans l’objectif d’être un administrateur faisant preuve d’une diligence raisonnable, voici des idées que vous pourriez adopter :
- Demander à la direction une confirmation des retenues et des versements sur une base régulière via d’efficaces canaux de communication ;
- Exiger des rapports de la société concernant les statuts des comptes ;
- Demander la création et l’utilisation de comptes bancaires distincts pour les sommes retenues et à payer ainsi que pour les dus de taxes et les autres droits payables.
L’application de mesures devrait être une priorité à l’agenda du C.A. et ne devrait surtout pas être seulement « reportée » au moment où la situation financière de la société devient difficile. Cependant, il est vrai de dire qu’une situation comme telle doit mener l’administrateur à une prudence accrue pour prévenir les défauts de versements. Une bonne mesure à prendre dans un tel cas est d’obtenir un engagement exécutoire de l’institution financière avec laquelle la société fait affaires afin qu’elle paie toutes les retenues exigibles à la source.
Également, les administrateurs peuvent demander, voire exiger, que la société souscrive une assurance qui les protègera d’une certaine façon à l’égard de certaines de leurs responsabilités liées à leur statut d’administrateur.
Défenses possibles pour l’administrateur
Ci-après sont mentionnées quelques-unes des défenses possibles pour les administrateurs, qu’on retrouve notamment dans la jurisprudence :
- Alléguer la diligence raisonnable ;
- Démontrer que les délais entre la fin de sa charge d’administrateur et la date de la cotisation dépassent ceux prescrits par la Loi ;
- Nier que les autorités fiscales aient posté l’avis de cotisation ;
- Contester l’obligation fiscale ;
- Prouver qu’on n’était pas administrateur (de facto ou légalement élu) ;
- Démontrer que les autorités fiscales n’ont pas respecté les exigences préalables à la cristallisation de la responsabilité de l’administrateur.
Conclusion
Rappelons-nous que l’idée générale, est de démontrer que des actions concrètes ont été prises, car une fois qu’une omission survient, il sera difficile de démontrer aux autorités fiscales qu’il y a eu diligence raisonnable si aucune mesure n’a été prise. Prétendre ignorer les responsabilités de la société et/ou ses propres responsabilités n’est pas une option. Également, l’idée de déléguer certaines responsabilités à des collègues ou à des firmes externes n’est pas nécessairement une mauvaise idée, mais les administrateurs demeurent tout de même responsables au bout du compte.
Rappelez-vous d’exercer vos fonctions avec la diligence et la compétence qu’une personne raisonnablement prudente exercerait dans une situation comparable et n’hésitez pas à solliciter l’avis d’un fiscaliste et/ou d’un juriste pour vous assurer d'acquitter correctement vos obligations en matière fiscale.
Prendre note que l'information présentée dans cet article est non exhaustive et est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et/ou fiscal et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun lecteur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant à ce seul contenu.
Vous pourriez aussi aimer
Connexion requise