Éthique
L’éthique à la rescousse
Publié le : 05 octobre 2021 | Dernière modification le : 08 février 2022
« Depuis que monsieur Legault a prononcé le mot local, j'ai vu une déferlante d'entreprises arriver sur Internet, acheter local, on vend local, épicerie locale, chaussures locales, masques locaux, tout est devenu local du jour au lendemain », souligne Bertrand Noël de la coopérative En direct de la ferme en entrevue avec l’Épicerie, diffusée à Radio-Canada.
« Local » : qu’est-ce que ça veut dire ?
Parle-t-on de la distance entre le lieu de fabrication et le lieu de consommation ? Dans ce cas, un produit fabriqué à Plattsburgh serait plus local pour la population de Montréal qu’un autre provenant de Baie-Comeau ? À moins qu’il faille plutôt privilégier le sentiment d’appartenance à un territoire donné (municipalité, région, province, pays, etc.), dont notre acte de consommation soutiendrait l’économie ? Mais que faire si la manufacture du coin présente un bilan sociétal et environnemental médiocre ? Ou si le produit ou le service local n’a pas le niveau de qualité souhaité ?
Lorsqu’on ne perçoit pas d’enjeu légal et qu’il ne semble pas y avoir de bonne ou de mauvaise réponse, on peut faire face à un dilemme éthique.
L’éthique à la rescousse
Selon la Commission de l’éthique en science et en technologie, un dilemme éthique survient quand « les valeurs ou les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles ».
Dans ce contexte, comment l’éthique peut-elle nous être utile pour résoudre un dilemme ? Tout d’abord, il faut différencier l’éthique des normes, des règles. Ce n’est pas nécessairement parce que notre décision n’enfreint pas les normes et les règles qu’elle est éthique.
L’éthique mobilise les valeurs qui nous gouvernent. Dans le cas présent, qu’est-ce qui est le plus important pour nous : l’environnement (GES émis lors du transport) ; la santé économique de notre région, de notre pays ; la qualité et le degré d’innovation des produits achetés...?
Mais est-ce que l’éthique peut nous permettre d’aller plus loin ?
Activer sa compétence éthique : 4 éléments de base
Selon le professeur Luc Bégin de l’Université Laval, la compétence éthique permet à une personne d’agir de manière autonome en situation problématique en mobilisant certaines ressources qui l’aideront à décider comment et pourquoi agir. Il s’agit donc d’un processus de réflexion visant à s’assurer que l’on prendra la meilleure décision dans les circonstances, selon nos valeurs.
La compétence éthique comprend quatre caractéristiques principales :
- Sensibilité éthique : capacité à percevoir les enjeux potentiels de ce qui se passe ;
- Décentration : capacité à percevoir la situation en se plaçant dans les souliers des autres ;
- Imagination morale : capacité à concrétiser les impacts de la décision sur les parties prenantes ;
- Raisonnement : capacité à expliquer et argumenter la décision prise avec clarté et transparence.
Comment utiliser l’éthique ?
Revenons à notre dilemme éthique initial : comment les composantes de la compétence éthique peuvent-elles nous aider à prendre une décision ?
Premièrement, il faut être en mesure de déceler le fait que, dans cette décision, nos valeurs doivent intervenir. Ensuite, il faut les identifier et de les prioriser. Pensons notamment à la capacité d’acheter versus le besoin à pourvoir. Pourquoi achèterais-je local ? Qu’est -ce que cela signifie pour moi ? Qu’est-ce qui revêt le plus d’importance pour moi, mon budget ou la provenance du bien ?
Par ailleurs, il est pertinent d’imaginer les conséquences que va avoir notre décision sur nous-mêmes, notre entourage, les parties prenantes… Si je privilégie l’environnement et que j’achète un produit de Plattsburgh (puisque j’habite en Montérégie) au lieu d’un produit de Québec, quelles seront les conséquences à court, moyen et long terme pour le fabricant de Québec ? Si je décide d’acheter un produit de la Côte-Nord parce qu’il est meilleur, quel sera l’impact de mon geste sur l’environnement, les relations avec mon voisin qui produit le même produit ? Si j’étais le voisin en question, qu’est-ce que je penserais de cette décision ?
Après avoir réfléchi à ces questions, vous devriez être en mesure de comprendre pourquoi vous prenez votre décision, d’expliquer ce qu’« acheter local » signifie pour vous et d’en discuter de manière éclairée avec votre voisin, le cas échéant.
Important : il n’y a pas de mauvaise réponse, seulement de mauvaises réflexions !
Ai-je pris la bonne décision ? 3 questions pour valider son choix
Une fois votre décision prise, voici trois questions à se poser pour valider si nous sommes vraiment à l’aise avec cette dernière :
- Suis-je en mesure de justifier et de défendre cette décision publiquement ?
- Cette décision me permet-elle de maintenir la confiance des personnes à mon endroit ?
- Déterminerai-je que c’est une bonne décision si j’en subissais les conséquences négatives ?
Clarté, cohérence et autres avantages collatéraux
Comme le concept d’achat local, celui d’éthique gagne en notoriété à travers toutes les sphères de la société : personnelle, professionnelle et organisationnelle. Il ne s’agit plus seulement de gérer les risques, mais bien de profiter des avantages réels résultant de l’éthique, dont le courage. Celui d’agir en cohérence avec ses valeurs, d’utiliser son jugement, de prendre sa part de responsabilité, de participer au changement sociétal, d’évoluer et d’influencer.
La communication et le marketing gagneraient aussi à intégrer plus d’éthique dans leurs pratiques respectives. Pour approfondir la question, le guide Implanter la responsabilité sociale en entreprise, comprendre et agir sur la base d’ISO26000 présente les qualités d’une « bonne » communication. Les informations y sont :
- complètes ;
- compréhensibles ;
- alignées avec les intérêts des parties prenantes ;
- exactes ;
- équilibrées, dans leurs aspects positifs et négatifs ;
- actualisées ;
- accessibles.
Certaines de ces notions sont aussi abordées en d’autres mots dans le Manifeste de l’éthique du marketing, destiné aux professionnels·elles des communications et du marketing. Selon l’auteur, le respect de ces principes entraîne une amélioration immédiate de la qualité de la relation entre les parties prenantes. Un élément non négligeable à une période où nos cousins français traversent une crise de confiance envers les grandes organisations en raison de leurs pratiques marketing. Et devinez qui profite de cette crise ? Les acteurs locaux, bien sûr ! Espérons qu’ils sauront consolider et maintenir ce lien de confiance en adoptant des pratiques éthiques.
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Cet article a été rédigé par Catherine Lamontagne, présidente d’OROKOM, en collaboration avec Carole Chauvin et Sophie Gagnon associées chez Groupe Philia.
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